Alors que Jerry bascule dans l’épisode précédent, nous retrouvons Abbie. Elle poursuit un chemin qui va profondément la transformer. Va-t-elle résister à la dureté de cette ville maudite ? Va-t-elle devenir une héroïne de Gotham ou va-t-elle se briser ? Je ne vous en dis pas plus !
Le récit original qui suit est une fanfiction de Pascal Vanpée, publié et partagé totalement gratuitement.
Batman and all related characters and elements © & TM DC Comics et URBAN COMICS pour la version française.
Attention : certains récits peuvent contenir des scènes de violence modérée ou des éléments qui pourraient choquer de jeunes lecteurs. Il est recommandé de les lire à partir de 16 ans.
– On peut l’emporter, inspecteur ?
L’inspecteur Miller se gratta la tête, dépité face à la frêle femme roulée en boule contre l’un des murs maculés de sang de l’appartement. Il s’agenouilla à sa hauteur.
– Madame, si vous êtes d’accord, nous allons vous amener à l’hôpital, lui glissa-t-il de sa voix la plus douce.
Mais les mots n’atteignaient plus le cerveau d’Abbie.
Elle n’avait eu de cesse de chercher Jerry depuis le licenciement de ce dernier. Après avoir récupéré son sac à main et semé le gamin inquiétant qui le lui avait rendu, elle était retournée sur son lieu de travail afin d’y demander l’adresse de son ancien collègue.
Cette adresse, elle l’obtint au prix de son propre emploi : elle avait quitté son poste sans autorisation pour sa quête folle. La décision fut sans appel ! Elle aussi était virée. Mais Abbie était prête à ce sacrifice. Personne ne comprenait le véritable amour qui les liait.
Elle, elle savait. Elle le sentait.
À l’appartement de Jerry, elle fit la connaissance de Charles, son beau-frère. Ils discutèrent une bonne partie de la fin de journée, en attendant son retour. Charles raconta le décès, trois ans plus tôt, de Mary, son épouse et sœur de Jerry. Il parla aussi de ses démêlés avec ACE Chemicals qui n’avait pas apprécié ses remarques relatives à la sûreté de certains produits. Depuis, il vivait là, dans le canapé. Abbie ressentit beaucoup de peine pour cet homme et ses malheurs. Son amour pour Jerry n’en fut que renforcé ; seul un homme bon recueillait ainsi sa belle-famille dans le besoin.
La nuit tombant, l’inquiétude de Charles grandit. Depuis la veille, il n’avait plus de nouvelles de son beau-frère au point qu’il avait dû aller lui-même chercher son neveu au poste de police ; son père ne s’étant jamais présenté au spectacle de son club d’Arts martiaux. Le lendemain matin, le gamin avait passé sa colère et sa frustration sur lui avant de claquer la porte. Depuis, il n’était plus revenu non plus.
Des dizaines de questions assaillirent Abbie. Elle avait la certitude que Jerry était quelqu’un de bien et que jamais il n’abandonnerait son fils. Mais où était-il ? Que lui était-il arrivé ? Se pourrait-il que son fils soit ce gosse insupportable et dangereux ? Dans ce cas, serait-ce une bonne chose de l’abandonner ?
Le soir tombant, elle décida de rentrer, promettant à Charles de poursuivre les recherches et de se tenir informée mutuellement si Jerry donnait signe de vie.
De retour dans son petit appartement de l’Upper East Side, épuisée par les événements des dernières vingt-quatre heures, elle se coucha tôt. Abbie sombra rapidement dans des rêves agités où Jerry la sauvait d’agresseurs aux visages grimaçants, vêtus d’une tenue seyante valorisant une imposante musculature qu’elle n’avait jamais remarquée auparavant.
Elle se réveilla avec une seule obsession : retrouver son preux chevalier de Gotham.
La jeune femme erra dans les rues de Gotham toute la matinée avant d’orienter ses recherches vers l’hôpital. Elle redoutait de s’y rendre et d’apprendre qu’un événement funeste avait fauché son âme sœur. Durant tout le trajet, elle rumina ses pensées avec angoisse, alternant déni et profond désespoir.
Arrivée au Gotham General Hospital, elle ne put malheureusement pas se rassurer. Une opération du GCPD était en cours ; une bande de clowns s’en serait prise au personnel soignant. Décidément, cette ville allait mal pour que même les hôpitaux soient la proie d’affrontements entre individus masqués et déjantés.
Elle resta un long moment à se presser contre les barrières de police avec la foule des badauds afin de glaner une information qui pourrait lui apporter des réponses. De guerre lasse, elle décida de rentrer en passant par l’appartement de Jerry. Peut-être que Charles aurait plus de nouvelles.
Dans le métro, trois jeunes nerveux cherchaient des noises à un monsieur d’une soixantaine d’années qui essayait de lire son journal. Abbie les repéra immédiatement et s’installa le plus loin possible dans la rame. De sa place, elle entendait les rires railleurs et les insultes qui contrastaient avec le silence de plomb des autres voyageurs. Chacun se plongeait consciencieusement dans la contemplation de ce qui se trouvait devant lui, dans une indifférence coupable.
À une station, l’un des voyous bloqua la porte alors que celui assis à côté du vieux tenta de lui arracher son attaché-case. La suite se déroula très vite. L’homme lui attrapa le poignet et plongea sa main libre dans le revers de son veston. Une arme jaillit. Des coups de feu claquèrent. Beaucoup de coups de feu. Des cris. Deux jeunes gisaient au sol dans une marre de sang, le troisième, qui bloquait la porte, trébucha, blessé à la jambe. Une ultime détonation mit fin à sa fuite et brisa la suspension du temps qui s’était emparée du métro. Tels des marathoniens au son du top départ, les voyageurs se mirent tous à courir, se bousculer, se piétiner, emportant le vieux et Abbie, dans leur flux vers un extérieur salvateur.
Mais, se demanda-t-elle, pouvaient-ils vraiment être sauvés ? Cette ville maudite ne finirait-elle pas par les broyer tous ? Elle finit le trajet en taxi à regarder défiler les rues sales et bondées de Gotham. Curieusement, il sembla à Abbie qu’elle ne ressentait plus rien. Elle était comme vide. Un vide qui lui faisait bourdonner les oreilles. Elle envia l’insouciance de la gazelle qui broutait paisiblement dans la savane, inconsciente de tous les prédateurs qui ne voyait en elle que leur prochain repas.
Devant l’immeuble de Jerry, elle aida une vieille dame à rentrer ses sacs remplis de ses maigres provisions. Alors qu’elles attendaient l’ascenseur ensemble, la jeune femme ne porta que peut d’attention aux lamentations de la septuagénaire qui pestait à propos de ces vandales qui avaient défoncé le panneau métallique de la cabine. Sur le palier, elle trouva la porte de l’appartement de Jerry entrouverte, des éclats de voix en émanant. Son cœur fit un bon en les reconnaissant. Il était là, son preux chevalier de Gotham. Elle allait pousser la porte, une bourrasque ferait voler ses cheveux alors que Jerry se tournerait vers elle, le visage nimbé de lumière. Ce sera merveilleux.
Tout ce qui en Abbie s’était éteint ces dernières heures se ralluma instantanément ! Intensément !
Finissant de savourer le plaisir anticipé des retrouvailles, elle prit une grande inspiration et entra avant de se figer nette dans un hoquet de surprise. Abbie ne pouvait pas croire le tableau qui s’offrait à elle.
Jerry était debout, les jambes écartées, le poing enserrant un objet dégoulinant de sang, surplombant le corps de Charles. Elle supposait qu’il s’agissait de ce dernier. Son visage disparaissait dans un amas ridiculement semblable à de la pulpe d’oranges sanguines. Les murs et le mobilier étaient maculés de taches formant autant de constellations tournant autour d’une gigantesque étoile rouge sang. La jeune femme se retint au chambranle pour ne pas tomber, emportée par la ronde folle que la pièce avait entrepris.
– Non, pas toi. Ce n’est pas possible. Tu n’es pas comme ça ! lâcha-t-elle, le cœur au bord des lèvres.
– Ooooh, machin du bureau ! Abbie, c’est ça ? Parce que tu crois me connaître ?
– Mais, après l’attaque de Kite Man… le rangement des papiers… nos doigts qui se sont touchés… Les regards…
– Nos doigts qui se sont… ? Mais tu t’es fait un film, pauvre fille ! Vous vous faites tous un film à mon sujet : lui, toi, le patron ! Tout le monde pense me connaitre et me dicter ma conduite. Tout le monde me considère comme un minable et un faible. Tout ceci est de votre faute ! Je suis la victime dans toute cette histoire. Je suis la VICTIME de Gotham !
Jerry se précipita sur Abbie et lui asséna un violent coup à la tête. Elle sentit ses jambes se dérober alors que le monde alentour se drapait d’un rideau bordeaux profond, presque noir. Elle attendait le coup suivant, celui qui emporterait sa vie autant que ses rêves perdus.
Kite Man ! Le clochard ! Les jeunes voyous ! Le gamin inquiétant ! L’attaque dans le métro !
Jerry !
Cette ville n’était que haine et souffrance et emportait tout le monde. Oui, elle était naïve, mais uniquement parce qu’elle refusait d’arrêter de croire en une vie meilleure. Elle repoussa toute cette malédiction, loin d’elle, les bras tendus, droit devant, pousser, un choc, du verre qui se brise, le bruit matte d’un corps qui s’écrase trois étages plus bas, le mur, plus rien.
– La pauvre, elle est bonne pour Arkham ! Vous pouvez l’emmener !
L’inspecteur Miller se redressa en ajustant son chapeau et laissa passer les deux ambulanciers. Pendant qu’ils allongeaient la jeune femme sur une civière, le flic jeta un œil par la fenêtre brisée. En contre bas, une tache de sang maculait le trottoir.
– On a retrouvé la personne qui a fait le grand saut ?
L’agent de la police scientifique, agenouillé en combinaison blanche à côté du cadavre qui gisait au centre de la pièce, répondit par la négative d’un signe de tête.
– Encore une affaire que nous ne sommes pas près d’élucider, conclut-il d’une voix lasse.
Abbie avait l’impression de flotter dans le hall d’entrée portée par deux ombres diaphanes. Laissant sa tête basculer sur la gauche, elle jeta un dernier regard aux boîtes aux lettres, recherchant celle de l’appartement 3a. Elle était facile à repérer, sous la plaquette en aluminium se trouvait une petite étiquette autocollante écrite à la main avec le nom de Charles.
Au-dessus, elle lut : Jerry Karpman & Son.
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