Vous trouverez ci-dessous la première partie d’une nouvelle fantastique en deux épisodes. J’avoue vous la présenter avec une pointe d’appréhension; il s’agit probablement du texte le plus personnel que j’ai écrit ces derniers mois. J’espère qu’il parlera autant à votre cœur en le lisant, qu’il a parlé au miens en l’écrivant.
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Auteur : Pascal Vanpée
Illustration : NightCafé
Attention : certains récits peuvent contenir des scènes de violence modérée ou des éléments qui pourraient choquer de jeunes lecteurs. Il est recommandé de les lire à partir de 16 ans.

– Maman ? La voix de la jeune femme était froide, distante, de celle que l’on utilise quand on ne veut pas couper les ponts, mais qu’il reste des querelles non résolues. L’écouteur Bluetooth fiché dans son oreille grésilla.
– Amélia, c’est ton père. Son état s’est dégradé. Il est aux soins intensifs.
Sa tête lui tourna alors que son monde basculait. Instantanément, des émotions contradictoires s’enflammèrent en elle. Dans le magma de son ventre se retourna la masse incandescente de sa colère à l’évocation de son père. Il l’avait profondément blessée, avec ses airs supérieurs et infaillibles, à la limite de la condescendance. Mais pour qui se prenait-il, lui aussi prompt qu’elle à la colère et à l’angoisse ? C’était facile de donner des leçons alors qu’il ne faisait pas mieux, se drapant juste de la légitimité de l’adulte et de l’expérience de l’âge. Mais c’est alors que des bulles d’angoisses crevaient la surface lourde des émotions en fusion. Son état s’est dégradé ! À quel point ? Allait-il s’en sortir ? Que ferait-elle sans lui, sans sa folie et sa persévérance aveugle de sauveur impénitent ? Amélia attrapa un papier et un stylo et griffonna les coordonnées dictées par sa mère.
La plaine de terre ocre s’étalait à perte de vue jusqu’à une chaîne montagneuse. Elle n’était plus qu’un champ de ruines et un charnier. Les combats duraient depuis ce qui semblait une éternité. Mais le dénouement approchait. Aujourd’hui, tout serait consommé. Le Grand Dragon survola la première ligne des légions qui s’organisaient en ordre de batailles. Il y avait là tant de créatures magnifiques et innocentes : elfes, nains, centaures, satyres, dryades… toutes se dressaient fièrement pour préserver des valeurs de bonté et de liberté. Le grand ver prit de l’altitude et croisa les nuées d’anges protégeant les cieux. Leurs visages doux et bons arboraient des regards guerriers qu’ils n’auraient jamais dû connaître. S’élevant au-dessus de cette masse, il se retrouva bientôt seul dans le ciel rouge des limbes. Il tendit son esprit et sentit ceux de ses pairs, déterminés à remplir leur devoir, quelles qu’en soient les conséquences. Il effleura aussi celui de son frère déchu ! Celui-ci approchait avec ses propres hordes pour livrer cette ultime bataille, lui qui avait été le meilleur d’entre eux. Hélas, se rappela le Grand Dragon, il en tira de l’orgueil et de la jalousie ! Dans son immense perfection, le Déchu en vint à se comparer et à envier le pouvoir des autres. Ses émotions le consumèrent. Il imagina que ses frères nourrissaient les mêmes sentiments et s’en méfia. De complots en manœuvres sournoises, il sema la discorde et commit l’irréparable : un fratricide. L’équilibre du monde en fut littéralement rompu entraînant tous les peuples dans son effondrement.
– Plus que quelques minutes et ce sera fini !
Je m’éveille en sursaut.
Le chuintement qui accompagne l’annonce de l’infirmier se coupe tandis que la table d’examen sur laquelle je suis allongé glisse quelques instants, s’arrête et que les sons de la machine reprennent, en rythme. Moi qui n’avais jamais été fan de musique électro, j’étais servi, me dis-je, réfrénant un sourire. Je sens la surface de ma peau frémir. Était-ce le fait de la résonance magnétique ou de cette chose qui s’emparait de mon corps ? Parfois, il me semble la sentir rouler sous ma peau, changeant mes organes et mes os. La machine se tait et je glisse lentement hors du tube blanc, tandis que l’infirmier commence à détacher les différents accessoires qui sont posés sur mon corps. Il feint l’indifférence et la concentration, mais je sens bien qu’il prend le plus grand soin à ne pas me toucher ni croiser mon regard. Au début, j’avais droit à une petite phrase bienveillante ou à un bon mot. À présent, un silence pesant m’entoure. Libéré, je me relève et me dirige vers la sortie. En traversant le local où les radiologues analysent dans la pénombre les imageries en cours de traitement, je sens leurs regards me suivre, telle une bête curieuse. J’ai envie de hurler, de les insulter, de laisser libre cours à cette fureur qui couve en moi. Puis j’aperçois mon reflet dans la vitre qui sépare la salle d’examen. Ma silhouette est devenue plus massive, présentant des angles et des arêtes pour le moins atypiques. Mon crâne difforme, à présent totalement glabre, dévoile l’irrégularité de ma peau rugueuse. Était-ce le fruit de mon imagination, ou de mes sens altérés, mais il me semble voir la fureur embraser mon regard. J’inspire profondément, me détourne et poursuis d’un pas lourd vers ma chambre.

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