Ce court récit de Dark Fantasy m’est venu alors que je cherchais un concept de personnage pour participer à RAGNAROK, un jeu de rôle Grandeur Nature (GN) de grande ampleur, à l’été 2023. Cette quête d’identité, entre malédiction et rédemption, mâtinée d’une moralité pas trop regardante, furent un bon tremplin dans l’aventure. L’avenir dira si Taylor aura l’occasion d’en vivre d’autres.
Sentez-vous libre de vous en inspirer pour vos propres personnages et de me raconter vos aventures en commentaire.
Auteur : Pascal Vanpée
Illustration : NightCafé
Attention : certains récits peuvent contenir des scènes de violence modérée ou des éléments qui pourraient choquer de jeunes lecteurs. Il est recommandé de les lire à partir de 16 ans.
– Qui suis-je ? Désires-tu véritablement le savoir ?
Ma vie commença par un pâle matin d’hiver. Plus particulièrement, je devrais dire que ma seconde vie commença par un pâle matin d’hiver. Malheureusement, je n’ai aucun souvenir de tout ce qui précéda, ainsi que de mes origines.
Je m’éveillai allongé dans les ruines encore chaudes d’un manoir, recouvert de cendres et de neige fraîche. Parmi les décombres, je découvris les restes atrocement mutilés d’une femme et de deux enfants. Quelle était leur identité ? Je l’ignore encore aujourd’hui. Leurs cadavres ne m’évoquèrent rien ! Vint rapidement une autre question : qui étais-je ?
Leurs mari et père ? Un serviteur ? Leur agresseur ?
Je me rallongeai dans l’empreinte laissée par mon corps et attendis la mort qui semblait m’avoir oublié. J’attendis longtemps. Comme elle tardait toujours à venir, je décidai de l’aider et avalai les baies rouges d’un houx proche, seules taches de couleur dans ce monde composé de gris et de blanc. Je me rallongeais et le temps passa lentement.
Me vint alors une autre question : pourquoi étais-je conscient ?
Devais-je venger leur mort ? Une malédiction me condamnait-elle à une vie d’errance pour mes crimes ?
À court de réponses et d’options, je réunis quelques affaires trouvées dans les décombres, désormais froides. C’est en les fouillant que ma main rencontra la poignée à coque d’une rapière. L’arme était de belle facture, digne d’un petit seigneur ou d’un bourgeois important. Je la dressai devant mon visage et en chassai la cendre d’un mouvement sec, effectuais quelques gestes… rien ! Comme tout le reste, elle ne m’évoquait absolument rien.
Je me mis à errer, sans buts ni directions. J’évitais instinctivement toute trace de civilisation, préférant la solitude de la forêt. Je chassais et me nourris plus par réflexe d’une vie perdue que par besoin, réalisant que j’étais peu tenu aux contingences de la chair.
Le printemps finit par succéder à l’hiver et ramener un regain d’activité humaine. C’est ainsi que des enfants m’aperçurent et parlèrent de leur frayeur à leurs mères, qui en parlèrent à leurs maris et qu’une patrouille de gardes vint me capturer.
Le sergent du guet à qui l’on me présenta était dépassé par la situation. La veille, l’armée lui avait confié un prisonnier important, hérétique et brigand de grand chemin, avec pour mission de le soumettre à la question. Aujourd’hui, il se retrouvait avec… moi. C’était plus d’agitation et de problèmes que durant toute sa carrière dans ce coin champêtre et reculé.
Au vu de ma dégaine, il estima que j’avais dû voler la rapière en ma possession et me fit enfermer en attendant de statuer sur mon sort. Je me laissais jeter en prison sans protestation.
De ma geôle, j’assistais à une scène singulière. Pour obéir aux ordres donnés, le sergent et deux de ses sbires tentaient de faire parler le prisonnier d’importance. Ils n’étaient manifestement pas rompus à cet exercice.
Alors que l’un des hommes d’armes se vidait les tripes dans une barrique je me permis d’intervenir.
– Vous n’obtiendrez rien ainsi, fis-je.
– Et qu’est-ce que t’en sais-toi ? rétorqua le sergent avec agressivité, ainsi qu’une pointe d’intérêt. Tu ferais mieux, sans doute ?
– Je ne sais pas, mais il me semble que oui !
C’est ainsi que je me tins à côté du rouet, scrutant la vie palpitant dans ce corps. Cette vie qui m’échappait. Cette vie qui m’attirait. Le bandit me regarda d’un air goguenard. Je me baissais et soufflais à son oreille « je suis navré mon ami. Rien de personnel. »
Moins de quinze minutes plus tard, le supplicié avait révélé tout ce qu’il savait. Le sergent était blême lorsqu’il signa mon acte de libération m’enjoignant à aller me faire pendre le plus loin possible de sa juridiction. C’est ainsi que j’entrepris une carrière de tourmenteur, à la recherche de la compréhension de ce que j’étais devenu. J’errais longuement, mais le passage du temps ne me lasse pas comme les vivants. Je rencontrais moult spadassins, érudits et autres prêtres… certains tentèrent de m’instruire, en vain. D’autres m’étudièrent, tout aussi vainement. À présent, je voyage toujours sans but. Je loue mes services basés sur cette perception fine, voire cette envie, de cette étincelle de vie qui palpite dans mes victimes et que, parfois, je prends, sans raison, juste pour la sentir à nouveau.
Alors tu comprendras, mon ami, qu’il n’y a absolument rien de personnel à ce que je vais te faire.
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